une eſpéce de créature différente de la
nôtre ? Quelle eſt la cauſe des mouvemens
que ſa vûë excite dans mon cœur ?
Eſt-ce un viſage plus aimable qu’un autre ?
Non, le plus ou le moins de charmes
que je leur trouve n’excite que plus
ou moins d’émotion ; l’agitation de
mon cœur eſt indépendante de ces charmes,
puiſque le Pere Jerôme lui-même,
tout deſagréable qu’il eſt, m’émeut
quand je ſuis près de lui : ce n’eſt
donc que la ſeule qualité d’homme qui
produit ce trouble ; mais pourquoi le
produit-elle ? J’en ſentois la raiſon dans
mon cœur, mais je ne la connoiſſois
pas ; elle faiſoit ſes efforts pour briſer
les liens où mon ignorance la réduiſoit :
efforts inutiles ! Je n’acquérois de nouvelles
connoiſſances que pour tomber
dans de nouveaux embarras.
Quelquefois je m’enfermois dans ma chambre, je m’y livrois à mes refléxions, elles me tenoient lieu des compagnies où je me plaiſois le plus. Qu’y voyois-je dans ces compagnies ? Des femmes, & quand j’étois ſeule, je ne penſois qu’aux hommes, je ſondois mon cœur, je lui demandois raiſon de ce qu’il ſentoit, je me deshabillois toute nuë, je m’examinois avec un ſenti-