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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/108

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de m’en faire souvenir. Elle se pencha sur mon coussin, et, me regardant avec une douce langueur qui me disait inutilement qu’il ne tenait qu’à moi de devenir heureux, elle me prenait tendrement la main qu’elle me pressait dans la sienne, en la laissant de temps en temps tomber d’un air indifférent sur ses cuisses, qu’elle serrait et desserrait avec un mouvement lascif. Ses regards accusaient ma timidité, et semblaient me reprocher que je n’étais pas le même que la veille. Toujours préoccupé de la pensée que l’abbé nous examinait, je restai dans une défiance niaise qui l’impatienta. — Tu dors, Saturnin ? me dit-elle. Un galant de profession aurait profité de l’occasion pour débiter une tirade d’impertinences. Je ne l’étais pas, je n’en dis qu’une : Non, madame, je ne dors pas. Quoique cette réponse innocente diminuât de beaucoup l’idée que mon effronterie de la veille avait pu lui donner de mon savoir, elle ne fit pas de tort à sa bonne volonté pour moi : elle fit un effet tout contraire ; elle me donna un nouveau titre à ses yeux, me fit regarder comme un novice, morceau délicat pour une femme galante dont l’imagination est voluptueusement flattée par l’idée d’un plaisir qui doit augmenter la vivacité des transports qu’elle ressent. C’est ainsi que pensait Mme Dinville, c’est ainsi que pensent toutes les femmes. Mon indifférence lui fît connaître que sa façon d’attaquer glissait sur moi, et qu’il fallait quelque chose de plus frap-