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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/156

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Que de caractères odieux n’aurais-je pas à tracer, si je peignais ceux de tous les moines ! Change-t-on d’inclinations pour changer d’habits ? Non ; le buveur est toujours ivrogne, le voleur est toujours impudent, et le fouteur est toujours un fouteur. Je dis plus : les passions s’irritent sous le froc ; on les porte dans le cœur, l’oisiveté, les renouvelle, l’occasion les augmente. J’ose le dire, les moines sont autant d’ennemis de la société : on pourrait les comparer à ces armées de peuples barbares qui sortirent de leurs marais pour inonder l’Europe. Réunis par l’intérêt, ils se détestent en particulier. Rien n’est mieux ordonné que leur armée ; rien ne l’est moins que l’intérieur. Faut-il élire un général, que de factions, que de complots ! On crie, on court, on s’agite. S’agit-il de faire quelque incursion dans le monde, d’attenter à la bourse des fidèles, d’inventer quelques nouvelles pratiques de superstition, le même esprit les anime, tous concourent au but général. Dociles aux ordres de leurs supérieurs, ils se rangent sous leurs drapeaux, montent en chaire, prient, exhortent, J’ajouterai à cet éloge des vers dictés par le bon sens et justifiés par une longue expérience :


Tolle autem lucruni, superos et sacra negabunt :
Ergo sibi, non cœlestis, hæc turbat ministrat.
Utilitas facit esse deos, qua nempe remota,
Templa auent, nec erunt aræ, nec Jupiter ullus.