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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/171

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piscine vous a vu naître : une de nos sœurs vous a donné le jour. — S’il en est ainsi, m’écriai-je, revenu de ma surprise, pourquoi m’avez-vous toujours envié la douce satisfaction d’embrasser ma mère, si elle vit encore ? — Père Saturnin, me dit le prieur attendri, vos reproches sont justes ; mais croyez que ce n’est pas par défaut de tendresse qu’on vous a interdit notre piscine. L’amour que nous avons pour vous a longtemps combattu contre nos règles ; mais il faut de l’ordre, et le temps nous met aujourd’hui en état de faire cesser vos plaintes. Dès tantôt vous aurez le plaisir que vous souhaitez, vous embrasserez votre mère. — Que je suis impatient, m’écriai-je, de me voir dans ses bras ! — Modérez-vous, le sacrifice ne sera pas long. Déjà la nuit s’avance, et l’heure viendra sans y penser. Nous souperons à la piscine, on vous y attend. Ne paraissez au réfectoire que pour le décorum ; vous viendrez nous retrouver ici.

Le plaisir de voir ma mère y entrait pour quelque chose, mais l’espérance de me livrer à l’amour offrait à mon cœur une immensité de désirs que tous les efforts de mon imagination ne me rendaient que faiblement. Le voilà donc arrivé, me disais-je, ce temps si souhaité ! Heureux Saturnin, plains-toi de ton sort ! Dans quel état de la vie aurais-tu trouvé ce que l’on vient de t’annoncer aujourd’hui.

L’heure vint ; je retournai chez le prieur, où je