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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/201

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tout espoir ; et, pour comble d’horreur, ma mère était ma rivale. Les éloges prodiges à Verland la trahirent. Triste victime de la dévotion et de l’amour, je n’osais demander à ma mère la cause du refus d’un homme qu’elle croyait parfait. Je ne pus résister à la douleur ; j’étais furieuse contre ma mère et contre moi-même : mon amour était au comble. Je voyais Verland tous les jours ; nous étions inséparables. Croirais-tu que jusqu’alors je n’avais point cédé à ses instances, le seul moyen de mettre ma mère à la raison ? Mais, attendrie par les larmes de mon amant, pressée par son amour, vaincue par mon penchant, je prêtai l’oreille à sa proposition de m’enlever : nous convînmes du jour, de l’heure et des moyens.

Je ne voyais dans mon amour que le plaisir que j’allais goûter avec Verland. Le lieu le plus affreux me paraissait un paradis, pourvu qu’il fût avec moi. Le jour du départ arriva : j’allais sortir, une main invisible m’arrêta. Arrivée sur le bord du précipice, j’en mesurai la profondeur ; effrayée, je reculai. Surprise de ma faiblesse, je voulus étouffer ma raison ; elle triompha ; je rentrai, mes larmes coulèrent. Indignée de ma lâcheté, je m’encourageais et m’effrayais. L’heure pourtant avançait quel parti prendre ? Hélas ! je ne savais que penser. Un rayon de lumière vint m’éclairer, et je fus tranquille : je vis un moyen d’être à mon amant et de me venger de ma mère. Hélas ! à quoi m’a servi tant de prudence ? À me plonger dans l’abîme !