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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/203

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pour vous rendre heureux, je ne veux qu’un mot de votre bouche. — Parlez ; que faut-il faire ? — Épouser ma mère, lui dis-je. La surprise lui coupa la parole ; il me regardait avec des yeux égarés. — Épouser votre mère, Monique ! que me proposez-vous ? — Une chose, lui répondis-je, dont je me repens. Votre froideur me dénote votre amour, et votre indifférence m’éclaire sur ma passion. Ciel ! ai-je pu penser à un homme aussi lâche ? — Monique, reprit-il tristement, à quoi veux-tu réduire ton amant ? — Ingrat, lui répondis-je, quand je surmonte l’horreur de te voir dans les bras de ma rivale ; quand, pour me livrer à toi, pour jouir du plaisir de te voir, pour recevoir enfin tes caresses, je sacrifie ma gloire, j’immole à ton bonheur ce que j’ai de plus cher, tu trembles ! Ai-je plus de force que toi ? Non ; mais tu n’as pas tant d’amour. — C’en est fait, me dit-il alors, tu triomphes ; j’ai honte de moi-même, et nos cœurs doivent être sans remords. Charmée de son courage, je promis de l’en récompenser le jour de ses noces ; peut-être n’aurais-je pas eu la force de l’attendre, si l’impatience de ma mère n’eût pas été aussi vive que la mienne. Verland lui avait offert ses vœux. Ravie d’une conquête qu’elle s’imaginait devoir à ses charmes, elle se hâta d’en recueillir le fruit ; il n’était pas fait pour elle. Le mariage se célébra ; la joie que j’en témoignai m’attira de ma mère mille caresses que je payai par d’autres qui étaient moins sincères. Mon cœur s’enivrait