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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/211

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auraient pu me servir, s’il n’eût été dangereux de les employer. Moyennant un retour raisonnable, j’avais troqué mon habit de paysan contre un plus honnête. Heureux si, en quittant le froc, j’en avais quitté les inclinations ! Le noir chagrin qui me dévorait me faisait croire que j’étais venu à bout de déraciner cette mauvaise tige, ou que j’en triompherais aisément. Je l’avais même juré ; je voulais m’enchaîner par un serment, moi que les liens les plus respectables n’avaient pu retenir. Que l’homme est faible !


Aujourd’hui sous un casque et demain sous un froc,
Il tourne au moindre vent et tombe au moindre choc.


Je tombai ; le choc ne fut pas violent, puisque ce ne fut qu’un coup de coude qu’une coquine me donna en me disant : Monsieur l’abbé, voulez-vous me payer une salade ? — Plutôt deux, répondis-je, emporté par un mouvement naturel. La réflexion vint aussitôt à mon secours, mais trop tard ; j’étais trop engagé pour reculer. Nous entrâmes dans une allée obscure et étroite. Je pensai mille fois me rompre le cou dans un escalier tortueux, dont les marches glissantes et inégales me faisaient trébucher à chaque pas. Ma donzelle me tenait par la main. J’avouerai que, ne m’étant jamais trouvé en pareil cas, je ne pouvais me défendre d’un certain effroi qui parut de bon augure à ma conductrice : elle en aurait ri si elle eût connu ma qualité. Nous arrivâmes enfin avec bien de la