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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/213

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voulu me dérober aux réflexions qui venaient m’assaillir. Une quêteuse infernale s’avance ; Je me montre généreux, elle me remercie. Mon maintien triste surprenant les prêtresses du temple, la vieille sibylle s’approche pour m’en demander le sujet. Je la repousse brutalement ; elle s’en plaint. — Laissez, madame, lui dit la plus jeune ; on peut avoir du chagrin.

Ce son de voix qui ne m’était pas inconnu, frappa mon cœur. Je tremblai, et, craignant de porter les yeux vers l’endroit d’où venait de partir cette voix, je les ferme et ne veux m’occuper que des mouvements qu’elle vient de réveiller en moi ; mais bientôt, me reprochant mon indifférence, je veux m’éclaircir ; je rouvre les yeux, me lève et m’approche. Cieux ! c’était Suzon ! Ses traits, quoique changés par l’âge, étaient trop gravés dans mon cœur pour les méconnaître. Je tombe dans ses bras, mes yeux se remplissent de larmes, mon âme est sur mes lèvres. — Chère sœur, lui dis-je d’une voix altérée, tu ne reconnais plus ton frère ? Elle jette un cri, et tombe évanouie.

La vieille, étonnée, accourt et veut secourir Suzon ; je la repousse, colle mes lèvres sur les lèvres de ma chère sœur, et ne veux que le feu de mes baisers pour lui rendre la chaleur. Je la presse contre mon sein, arrose son visage de mes larmes ; elle ouvre des yeux humides de pleurs : Laisse-moi, Saturnin, me dit-elle, laisse une malheureuse ! — Chère sœur ! m’écriai-je, la vue de Saturnin