Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/67

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Mais, ma chère petite, le plaisir que tu as goûté est bien au-dessous de celui qu’on goûte avec un homme ; car ce qu’il nous donne se mêlant avec ce que nous lui donnons, y rentre, nous pénètre, nous enflamme, nous rafraîchit, nous brûle. Quelles délices, Suzon ! Ah ! ma chère Suzon, elles sont inexprimables ; mais écoute le reste de mon aventure, poursuivit-elle.

J’étais bien chiffonnée, comme tu peux croire, après l’exercice amoureux que je venais de faire ; je me remis le mieux qu’il me fut possible, et demandai à Martin quelle heure il était. — Oh ! il n’est pas tard, me répondit-il : je viens d’entendre la cloche du souper, — Je me passerai bien d’y aller, repris-je ; je vais vite me coucher ; mais avant que je te quitte, apprends-moi, mon cher Martin, par quel hasard tu t’es trouvé ici, et comment as-tu osé venir ?… — Oh ! pardi ! ce n’est pas la hardiesse qui me manque. V’là comme ç’a été : j’étais venu pour parer l’église, car, comme vous savez, c’est demain bonne fête ; je vous ai aperçue. M’est avis, ai-je dit à part moi en vous reluquant, que voilà une demoiselle qui prie bian le bon Dieu ! Pardi ! ce me suis-je fait, il faut qu’alle ait bien la rage de la dévotion pour s’en venir à c’t’heure-ci dans l’église, pendant que tretoutes prennent leurs becquées ! mais ne dormirait-elle pas aussi ? ce me suis-je dit, voyant que vous ne bronchiez ni pied ni patte. Pardi ! je le croirais bian, Voyons un peu ça. Je me suis