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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/73

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— Que vous arriva-t-il donc ? lui demandai-je. — Je m’aperçus, me dit-elle, que mes règles ne coulaient plus ; huit jours s’étaient passés sans les avoir ; je fus surprise de leur interruption, ayant souvent entendu dire que c’était un signe de grossesse. J’étais souvent attaquée de maux de cœur, de faiblesses. Ah ! m’écriai-je, il n’est que trop vrai, malheureuse ! hélas ! je le suis, il n’en faut plus douter, je suis grosse ! Un torrent de larmes succédait à ces accablantes réflexions. — Vous étiez grosse ? dis-je à la sœur avec étonnement. Ah ! ma chère Monique, comment avez-vous fait pour en dérober la connaissance à des yeux intéressés ? — Je n’eus, me répondit-elle, que la douleur de savoir mon malheur, et non celle d’en essuyer les suites. Martin l’avait causé, il m’en délivra. Ma grossesse ne m’empêchait pas de me rendre toujours à nos rendez-vous ; j’étais inquiète, j’étais tremblante, mais j’étais encore plus amoureuse. Le poids victorieux du plaisir m’entraînait. Qu’en pouvait-il arriver davantage ? Mon malheur était à son comble. Ce qui me l’avait causé devait servir du moins à m’en consoler.

Une nuit, après avoir reçu de Martin ces témoignages d’un amour ordinaire qui ne se ralentissait pas, il s’aperçut que je soupirais tristement ; que ma main, qu’il tenait dans la sienne, était tremblante (quand ma passion était satisfaite, l’inquiétude reprenait dans mon cœur la place que l’amour y occupait un moment avant) ; il me