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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/76

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en me les apportant le lendemain avec ce qu’il m’avait promis.

J’avais fait réflexion que la lumière pourrait me trahir, si on en apercevait dans ma chambre à pareille heure. Je modérai l’impatience où j’étais de lire les lettres de la mère : j’attendis que le jour parût ; il vint : je lus ; elles étaient écrites d’un style passionné, et aussi peu mesuré que la figure et les manières de celle qui les avait écrites l’étaient beaucoup. Elle y peignait sa fureur amoureuse avec des traits, des expressions dont je ne l’aurais jamais crue capable ; enfin, elle ne se gênait pas, parce qu’elle comptait que le père Jérôme aurait la précaution, comme elle le lui marquait, de brûler les lettres. Il avait eu l’imprudence de n’en rien faire, et je triomphais. Je songeai longtemps de quelle manière je devais me servir de ces lettres pour perdre mon ennemie. Les rendre moi-même à la supérieure, c’eût été une démarche trop dangereuse pour moi : il aurait fallu rendre compte de la façon dont je les avais eues ; les faire rendre par quelqu’un, c’aurait été l’exposer à des questions dont il ne serait peut-être pas sorti à son honneur et qui auraient pu entraîner ma perte. Je choisis une autre parti : ce fut de les porter moi-même à la porte de la supérieure, au moment où je saurais qu’elle devait rentrer. Je m’arrêtai à cette idée. Imprudente que j’étais ! J’aurais dû brûler ces lettres. Que de chagrins je m’apprêtais ! je m’enlevais mon amant ! Cette réflexion, si elle