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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/90

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place que mon doigt venait d’y occuper, et toujours même impossibilité, malgré les facilités qu’on me donnait. — Suzon, dis-je, enragé de l’obstacle que son opiniâtre attention apportait à mon bonheur, laisse-les ; viens, ma chère Suzon, nous pouvons avoir autant de plaisir qu’eux. Elle tourna les yeux sur moi ; ils étaient passionnés. Je la prends amoureusement entre mes bras, je la porte sur mon lit, je l’y renverse ; elle écarte les cuisses, mes yeux se jettent avec fureur sur une petite rose vermeille qui commence à s’épanouir. Un poil blond, et placé par petits toupets, commençait à ombrager une motte dont le pinceau le plus délicat rendrait faiblement la blancheur vive et animée. Suzon, immobile, attendait avec impatience des marques de ma passion plus sensibles et plus satisfaisantes. Je tâchai de les lui donner ; je m’y prenais fort mal : trop bas, trop haut, me consumant en efforts inutiles. Elle me le mit. Ah ! Que je sentais alors qu’il était dans le véritable chemin ! Une douleur, que je ne comptais pas trouver sur une route que je croyais couverte de fleurs, m’arrêta d’abord. Suzon en ressentit une pareille ; mais nous ne nous rebutâmes pas. Suzon tâchait d’élargir le passage ; je m’efforçais, elle me secondait. Déjà j’avais fait la moitié de ma course. Suzon roulait sur moi des yeux mourants ; son visage était enflammé, ne respirait que par intervalles, et me renvoyait une chaleur prodigieuse. Je nageais dans un torrent de délices ; j’en espé-