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Page:Ghil - De la poésie scientifique, 1909.djvu/26

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de la poésie scientifique

c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème, qui est faite du bonheur de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le Symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme, ou, inversement, choisir un objet et en dégager un état d’âme par une série de déchiffrements. »

C’est-à-dire que Mallarmé, interdisant avec raison à l’art descriptif et purement extérieur l’accès du poème, hiératise exclusivement un art qui évoque, qui suggère d’images de plus en plus spiritualisées et de valeurs analogiques très proches, telles pensées choisies d’après de premiers rapports d’émotivité. C’est là, mais rendu conscient et logique, l’habituel procédé d’images et de comparaisons, — et l’on put dire que le Symbolisme exista de tout temps en toute vraie poésie.

Mais la nouveauté caractéristique est que la succession d’images, selon Mallarmé, n’est plus hétéroclite et hasardeuse, et qu’en valeurs analogiques très proches, répétons-le, les images de très près associées s’élèvent logiquement de la sensation cause d’émotivité, pour concourir à suggérer (non à décrire) les idées qui étaient en vue.

Les idées élues par le « Symbolisme » dériveront du thème général de la poésie au hasard de l’émotion individuelle : c’est là encore, en suprême épanouissement, il est vrai, une poésie égotiste. Le « Symbolisme » se présente donc, non pas le créateur d’une pensée poétique nouvelle, mais comme la victorieuse reconnaissance d’une nécessaire manière d’art pour comprendre et œuvrer poétiquement, en dehors de quoi le vrai sens poétique ne s’exprime plus… L’on se rend compte alors, que, dénué d’idée directrice le