Page:Gide - Dostoïevsky, 1923.djvu/22

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« Je suis dans une telle gêne que me voici prêt à me pendre », écrit Dostoïevsky. — « Je ne puis ni payer mes dettes, ni partir, faute d’argent pour le voyage et je suis complètement au désespoir. » — « Que deviendrai-je d’ici la fin de l’an ? Je ne sais pas. Ma tête se brise. Je n’ai plus à qui emprunter. » — (« Comprenez-vous ce que cela veut dire n’avoir plus où aller ? » disait un de ses héros.) — « J’ai écrit à un parent pour lui demander six cents roubles. S’il ne les envoie pas, je suis perdu. » De ces plaintes ou de semblables, cette correspondance est si pleine que je cueille tout au hasard… Parfois cette insistance encore, qui revient naïvement tous les six mois : « L’argent ne peut être aussi nécessaire qu’une seule fois dans la vie. »

Dans les derniers temps, comme ivre de cette humilité dont il savait griser ses héros, de cette étrange humilité russe, qui peut bien être chrétienne aussi, mais qui, affirme Hoffmann, se retrouve au fond de chaque âme russe, même de celle où la foi chrétienne fait défaut, et que ne pourra jamais parfaitement comprendre, dit-il, l’Occidental qui fait de dignité vertu : « Pourquoi me refuseraient-ils ? D’autant plus que je n’exige pas, mais je prie humblement. »

Mais peut-être cette correspondance nous trompe-t-elle en nous montrant toujours désespéré celui qui n’écrivait qu’en cas de déses-