Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/132

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il serait différent d’exagérer cette influence en ce qui touche leur développement économique et leur puissance productrice[1].

1o La situation climatérique d’abord. Les contrées tropicales ont pu voir s’épanouir des civilisations brillantes : elles n’ont pas vu de races laborieuses et industriellement fécondes. La nature y semble décourager la production aussi bien par ses libéralités que par ses violences. Dans ces heureux climats « où le pain pousse comme un fruit », où la température dispense de songer au vêtement et presque au logement, l’homme s’habitue à compter sur la nature et s’épargne l’effort. Et, d’autre part, les forces physiques ont dans ces régions une telle violence, elles sont si irrésistibles dans leurs manifestations diverses, pluies diluviennes, débordements, tremblements de terre, cyclones, que l’homme intimidé ne conçoit même pas l’idée téméraire de les dompter et de les faire servir à ses fins ; c’est à peine s’il songe à se défendre. Dans nos contrées tempérées, au contraire, la nature est assez avare pour obliger l’homme à compter beaucoup sur ses propres efforts, mais elle n’est pas assez redoutable pour ne pas se laisser domestiquer par l’industrie humaine. Ici elle favorise l’activité productrice à la fois par ce qu’elle nous refuse et par ce qu’elle nous accorde.

2o La configuration géographique. Qui pourrait penser que l’Angleterre fût devenue la première puissance mariti-

  1. Montesquieu, comme on le sait, avait attaché une influence décisive à la question du climat.
    La branche de l’école de Le Play qui a fait schisme à la suite de M. Demolins, voit dans cette question du milieu le point de départ de toute la science sociale. Elle distingue trois catégories du sol qui donnent naissance aux trois types de sociétés primitives : la steppe aux peuples pasteurs ; le rivage maritime aux peuples pêcheurs ; la forêt aux peuples chasseurs. Ce sont là les types fondamentaux des sociétés simples, c’est-à-dire qui vivent uniquement des produits spontanés du sol. Mais l’école en fait dériver, par des rapports de filiation nécessaire, toutes les sociétés complexes, autrement dit civilisées. Et elle retrouve ingénieusement dans l’état primitif du sol, l’origine et la cause unique de toutes les formes actuelles de la propriété, de la famille, du gouvernement, etc. Voyez ce système développé d’une façon intéressante dans la Revue La Science sociale de 1886.