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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/149

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tion, oui, mais les faucheuses, batteuses, moissonneuses, non : celles-ci économisent la main-d’œuvre, mais ne font pas pousser un grain de blé de plus sur la terre.

Il y a aussi une industrie qui est d’une importance capitale au point de vue du bien-être, c’est la construction des maisons. Or, les machines ne s’appliquent guère à ce genre de production, si ce n’est dans des conditions exceptionnelles[1].

C’est donc dans un domaine plus restreint qu’on ne pense, — dans celui qu’on appelle les objets fabriqués — que l’utilisation des forces naturelles a donné tout ce qu’on pouvait en attendre en fait d’abondance et de bon marché[2]. On petit même dire qu’en cette partie elle a dépassé la mesure, puisqu’elle aboutit à la surabondance, à tel point qu’on voit de nos jours les grands industriels obligés de s’entendre pour convenir qu’ils restreindront leur production dans certaines limites, afin de ne pas déprécier leurs produits.

Enfin il faut mettre au compte des machines les crises provoquées précisément, par cette surabondance, les accidents, le régime de caserne qui caractérise l’industrie moderne, et surtout le chômage à l’état chronique. C’est ici la conséquence la plus remarquable de l’emploi des machines et celle qui

  1. Par exemple pour ces maisons en fer et en tôle susceptibles de se démonter et de se transporter à volonté, telles qu’elles ont figuré à l’Exposition universelle de 1889 à Paris. Si ce mode de construction venait à se généraliser, ce serait une grande révolution. Les maisons redeviendraient des meubles comme à l’époque patriarcale !
    Sans doute, dans les grandes villes surtout, on applique à la construction des maisons les engins mécaniques. Toutefois la statistique de 1893 ne donne que 163.000 chevaux-vapeur pour toutes les entreprises de travaux publics, y compris les constructions. Or les maisons d’habitation ne peuvent représenter qu’une assez faible fraction de ce chiffre. Il en résulte que le nombre des maisons confortables, une des conditions essentielles pourtant du bonheur, de la santé, de la vie de famille, de la moralité même, ne s’accroît pas dans la mesure des besoins : le prix des loyers renchérit plus encore que celui des substances alimentaires.
  2. Les manufactures anglaises produisent assez de mètres de cotonnades pour faire 120 fois le tour du globe terrestre (5 milliards yards). Rien ne tes empêcherait d’en fabriquer assez pour revêtir notre globe tout entier d’un fourreau de cotonnade, si seulement elles trouvaient à le vendre !
    La « National Watch Company », l’une des plus importantes manufactures de montres des États-Unis, en produit 2.500 par jour.