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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/161

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on a calculé qu’un simple sou placé à intérêts composés au premier jour de l’ère chrétienne, aurait produit aujourd’hui une valeur égale à celle de quelques milliards de globes d’or massif du volume de la terre ; ce petit problème est resté célèbre.

Il faut dissiper toute cette fantasmagorie qui échauffe si fort, et non sans raison, la bile des socialistes. Cette espèce de force productive et mystérieuse que l’on attribue au capital et qui lui serait propre, cette vertu génératrice est pure chimère. Quoi qu’en dise le dicton populaire, l’argent ne fait pas de petits, et le capital pas davantage. Non seulement un sac d’écus n’a jamais produit un écu, comme l’avait déjà remarqué Aristote, mais un ballot de laine ou une tonne de fer n’ont jamais produit un flocon de laine ou un atome de fer, et si des moutons reproduisent d’autres moutons — comme le disait Bentham, pensant réfuter par là Aristote, — ce n’est point parce que les moutons sont des capitaux, mais tout simplement parce qu’ils sont… des moutons et que la nature a doué les êtres vivants de la propriété de reproduire des individus semblables à eux-mêmes. Mais le capital n’est qu’une matière inerte et par elle-même absolument stérile. Il donne au travail le moyen de produire, mais par lui-même il ne produit rien du tout. Reconnaissons donc de bonne grâce que tout ce qu’on appelle le revenu ou le produit du capital n’est en réalité qu’un prélèvement sur le produit du travail.

Ce qui fait illusion, c’est que l’on voit bon nombre de rentiers vivre sans rien faire et même accroître rapidement leur fortune. On se demande alors d’où leur vient ce revenu ? Pas de leur travail assurément, puisqu’ils n’ont ni industrie ni occupation d’aucune sorte pas davantage d’un agent naturel, puisque nous supposons qu’ils ne sont pas propriétaires fonciers. Alors ce revenu ne peut provenir, semble-t-il, que du capital lui-même qui le produirait sponte sua ? — En réalité ce revenu est parfaitement le produit du travail, seulement d’un travail qu’on ne voit pas, mais qu’il n’est pas difficile de découvrir en le cherchant bien : c’est le travail de ceux qui ont emprunté les capitaux du rentier et qui les emploient