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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/196

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sont propres, et que les deux autres sont loin de présenter au même degré, sa divisibilité et sa mobilité.

Le capital d’abord peut se diviser en fractions indéfiniment réduites, ce qui permet à chaque capitaliste associé de limiter sa part dans l’association, et par conséquent ses risques, autant que bon lui semble. C’est même là ce qui a fait le succès de la société par actions : chaque action étant de 500 fr. (et même, suivant les législations, de 50 fr. ou de moins encore), chacun peut en prendre ce qu’il veut, d’après sa situation de fortune ou le degré de confiance qu’il accorde à l’entreprise[1].

De plus, le capital jouit d’une facilité de déplacement merveilleuse et que le développement des institutions de crédit accroît encore chaque jour. Pour que des travailleurs ou des propriétaires puissent coopérer à une entreprise productive, il faut que cette entreprise prenne naissance sur les lieux mêmes et elle ne peut réunir que des personnes vivant dans la même région. Le travail ne se déplace pas aisément : la terre pas du tout ; mais les capitaux ont les ailes de l’aigle et ils savent accourir des extrémités du monde partout où ils voient quelque profit à gagner.

Mais, d’autre part, cette forme d’association présente de graves inconvénients et nous ne saurions nous résigner à y voir la forme de l’avenir, comme quelques économistes nous y convient[2]. Le fait même qu’elle n’associe que les capitaux et

  1. Et suivant que les capitalistes préfèrent un revenu fixe ou se plaisent à tenter la fortune, les sociétés anonymes leur offrent soit des obligations qui sont des créances donnant droit de toucher un revenu fixe, soit des actions qui sont des parts de copropriété donnant droit à une part proportionnelle dans les risques et les profits de l’entreprise.
    Cette divisibilité permet ainsi la constitution d’entreprises colossales et très aléatoires qui, sans elle, eussent été impossibles. Aucun capitaliste, si riche fût-il, n’aurait pu et n’aurait osé fournir les 1.300 militons à dépenser pour le percement de l’isthme de Panama, à cause des risques à courir, tandis que ces risques divisés à l’infini n’ont plus effrayé personne, et par le fait cet immense écroulement n’a entraîné la ruine que d’un très petit nombre de personnes.
  2. Voyez l’Évolution économique au XIXe siècle. Dans ce livre fort intéressant, M. de Molinari, qui est le plus pur représentant de l’école libérale, ne voit l’avenir que sous la forme d’immenses sociétés par actions qui s’étendront à tous les domaines de l’activité humaine.