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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/313

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Tel est en effet le point de vue de l’économie politique classique. Elle n’admet pas et ne comprend pas que le commerce international puisse être réglé par d’autres principes qu’un commerce quelconque. Pour elle, cette célèbre question n’en est pas une elle doit être rayée de nos préoccupations. L’échange est une forme de la division du travail dont nous avons expliqué les merveilleux effets, et son utilité est absolument indépendante de la question de savoir si ceux qui échangent appartiennent à un même pays ou à des pays différents.

Mais l’opinion publique ne professe pas cette indifférence superbe. Elle ne conteste guère que le libre-échange ne soit le système qu’on dût préférer au point de vue théorique, ni même qu’il ne soit le plus conforme au bien général de l’humanité. Les protectionnistes ne se donnent même nullement comme ennemis du commerce international, et ils le prouvent en effet surabondamment par les efforts mêmes qu’ils font pour se le disputer, et par les sacrifices qu’ils consentent pour relier les divers pays du monde par des réseaux de voies ferrées ou par de grandes routes maritimes. Mais les peuples et ceux qui les gouvernent n’ont pas l’habitude de spéculer sur les intérêts généraux de l’espèce humaine, ils ne se préoccupent que des intérêts particuliers du pays où ils vivent et on ne saurait leur en faire un crime. Ils jugent, à tort ou à raison — c’est là toute la question — que le commerce international laissé à lui-même risque de ruiner l’industrie d’un pays, de restreindre ou même d’étouffer ses forces productives et de porter même indirectement atteinte à l’existence nationale. Ils considèrent le commerce international comme un état de guerre, une des formes de la lutte pour la vie entre nations. Or, de même que tout l’art de la guerre consiste à envahir et à occuper le territoire ennemi, sans laisser envahir ni occuper notre propre territoire, de même toute la tactique du commerce international doit consister, d’après eux, à envahir le territoire étranger par nos exportations, sans laisser pénétrer chez nous les importations étrangères. Il s’agit de constituer une industrie nationale assez vigoureuse pour être en mesure de repousser les produits des