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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/332

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doute, si l’Europe frappe de droits les produits américains, elle infligera un préjudice aux États-Unis, mais elle s’en infligera un aussi à elle-même, et le mal que nous pouvons faire à notre voisin ne saurait être considéré comme une compensation pour celui que nous nous faisons à nous-mêmes.

Un autre système mixte est celui des droits compensateurs. Il prétend que lorsqu’un pays supporte une charge d’impôts plus lourde que les pays étrangers, il doit, pour rétablir l’égalité dans la concurrence, grever les produits étrangers de droits qui représentent au moins l’équivalent des charges supportées par les nationaux.

Ce raisonnement repose tout entier sur l’idée que les droits de douane sont supportés par les producteurs étrangers. Si, comme nous avons essayé de le démontrer, cette idée est le plus souvent une illusion, et si ces droits retombent en réalité, sous la forme d’une élévation des prix, sur les nationaux, alors on pourra apprécier toute l’originalité de cette soi-disant compensation qui, sous prétexte d’égaliser la lutte, met double poids sur les épaules de celui qui est déjà le plus lourdement chargé !

Maintenant si l’on veut dire simplement que les produits étrangers doivent être grevés de droits équivalents à ceux que paient les mêmes produits à l’intérieur sous forme de taxes, personne ne contredira à ce principe d’égalité fiscale[1].

  1. Un des gros griefs des propriétaires et négociants en vins du Midi de la France, c’était que les vins d’Espagne, avant les tarifs de 1892, entraient additionnés de 4 ou 5 litres d’alcool par hectolitre, en payant seulement 2 francs de droits d’entrée, tandis que chaque litre d’alcool doit payer en France 1 fr. 60 de droits. C’était là, en effet, un privilège injuste au profit des producteurs étrangers, et, comme on l’a dit, une sorte de protection à rebours.