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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/393

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à quoi servirait aux hommes que les richesses fussent plus également réparties si tous devaient être plus pauvres qu’aujourd’hui ?

Il ne faut pas oublier non plus que si la justice est un bien très précieux pour les hommes, inestimable même — fiat justitia ! ruat cœlum ! — cependant il est aussi pour l’homme d’autres biens très précieux et très nobles, par exemple la liberté, et que ce serait payer trop cher un mode de répartition plus équitable que de le payer au prix de ce bien-là — car à quoi servirait aux hommes que les richesses fussent plus également réparties si tous devaient être plus dépendants qu’aujourd’hui ?

Toute la question c’est donc de savoir si le mode existant présente, mieux que tout autre mode, les deux conditions que nous avons posées comme conditions sine qua non de toute répartition des richesses.

En ce qui concerne la première, stimuler l’activité productrice, il paraît difficile de nier que le régime actuel ne la remplisse assez bien. Il suffit de voir les résultats, c’est-à-dire le prodigieux accroissement de richesse qui caractérise notre temps. Théoriquement d’ailleurs, que peut-on imaginer de mieux pour pousser au maximum l’activité individuelle sinon de dire à chaque homme : « Fais ce que tu pourras ou ce que tu voudras : ce que tu auras produit t’appartiendra, tâche d’en tirer le meilleur parti possible. Tant mieux pour toi si ta part est belle, tant pis si elle est exiguë » ?

Du reste les socialistes eux-mêmes ne contestent pas que le régime capitaliste n’ait énormément accru les forces productrices. Ils se bornent à dire que ce régime a fait son temps et qu’il est en train de périr précisément d’un excès de production (Voy. ci-dessus, p. 180). D’ailleurs ils nous garantissent la plus merveilleuse multiplication de richesses si l’on adopte leurs systèmes, mais nous verrons que rien ne justifie ces affirmations optimistes et qu’au contraire il y a toute probabilité pour que la suppression ou la mutilation de la propriété individuelle — par exemple, la suppression du