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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/456

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Or, puisque, dans notre organisation économique actuelle, le travail n’est qu’une marchandise comme une autre qui, sous le nom de main-d’œuvre, se vend et s’achète sur le marché (on dit plutôt se loue, mais cette dénomination qui a une grande importance au point de vue juridique, n’en a aucune au point de vue économique), il paraît évident que le prix de la main-d’œuvre doit être déterminé par les mêmes lois que celles qui régissent le prix de n’importe quelle marchandise, lois que nous avons étudiées à propos de la valeur et qui se résument dans la formule vulgaire de l’offre et de la demande ou dans la traduction vive et pittoresque qu’en a donné Cobden : « Les salaires haussent toutes les fois que deux patrons courent après un ouvrier ils baissent toutes les fois que deux ouvriers courent après un patron ».

Cependant de même que cette formule de l’offre et de la demande a été jugée trop vague et trop incorrecte comme loi des valeurs, de même aussi les économistes l’ont jugée insuffisante comme loi des salaires et se sont évertués à chercher quelque formule plus précise.

On en a proposé trois dont chacune a été célèbre à son

    que d’une façon insignifiante — de même aussi il existe un taux général des salaires pour tout genre de travail et qui s’impose aussi bien aux patrons qu’aux ouvriers.
    Toutefois, il semble bien qu’il y ait non point un, mais autant de taux de salaires différents qu’il y a de métiers différents. Ce fait de l’inégalité des salaires est en effet très certain et a fait l’objet de pages intéressantes d’Adam Smith. Cependant ces inégalités de salaire peuvent généralement s’expliquer par une inégalité dans les risques et les désagréments spéciaux à certains métiers, ou par l’inégale durée de l’apprentissage, ou par l’inégale productivité du travail, ou par son degré d’intermittence ou de continuité, etc., en sorte que si l’on pouvait calculer exactement et éliminer tous ces éléments perturbateurs, on verrait que le taux du salaire est théoriquement le même dans tous les métiers. Et en effet sous un régime hypothétique de libre concurrence tous les métiers se valent, car sinon les individus s’empresseraient d’abandonner le méfier qui vaudrait moins pour embrasser celui qui vaudrait plus et cette désertion d’un côté, cette affluence de l’autre, rétabliraient l’égalité. En fait, comme cette libre concurrence n’existe point du tout, il y a de très grandes inégalités. Mais alors par « le taux courant du salaire », il faut entendre le salaire du travail le plus ordinaire, ce que les Anglais appellent unskilled labor.