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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/472

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aussi facilement se passer du patron. On trouve toujours un autre ouvrier ; au besoin on le fait venir de l’étranger ; au besoin même on le remplace par une machine. On ne trouve pas aussi aisément un autre patron ; on ne le fait pas venir du dehors par chemin de fer ou par bateau ; on n’a pas trouvé le secret de le remplacer par une machine ;

3° parce que l’entrepreneur est mieux au courant de la situation du marché. Il voit de plus haut et de plus loin.

Voilà pourquoi le contrat de salaire pendant longtemps n’a été libre que de nom. Mais du jour où l’ouvrier a pu constituer avec ses camarades du même corps de métier une association, l’égalité de situation s’est trouvée rétablie jusqu’à un certain point :

1° en donnant à l’ouvrier le moyen de refuser son travail, et en le soutenant pendant ce temps à l’aide du capital de l’association et des cotisations des associés ;

2° en solidarisant tous les ouvriers d’une industrie, en sorte que le patron n’ait plus à traiter avec un seul, mais avec tous ;

3° en leur procurant un bureau de renseignements et des directeurs compétents et expérimentés, pouvant se rendre compte de la situation aussi bien que les patrons eux-mêmes, et qui par là les empêchent de faire de fausses manœuvres.

Pourtant ce droit de s’entendre et de s’associer, les ouvriers ne l’ont conquis que récemment. Ils ont conquis d’abord le droit de coalition, c’est-à-dire de se concerter pour exiger certaines conditions et, en cas de refus, pour refuser de travailler et faire grève. Ce droit leur a été reconnu en Angleterre en 1824 et en France par la loi de 1864. Ce n’était point assez, car pour être efficaces, leurs réclamations devaient s’appuyer non sur des coalitions accidentelles et passagères, mais sur des associations permanentes. Or ce droit d’association ne leur a été légalement conféré qu’en 1871 en Angleterre et en 1884 en France[1].

  1. Les associations ouvrières en Angleterre sont bien antérieures à