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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/496

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Et les économistes de s’évertuer à démontrer que le capitaliste au contraire est obligé de se priver pour créer le capital et de déclarer, comme Senior, que l’abstinence est la seule source du capital.

3° On disait que la pérennité de l’intérêt est une monstruosité. Au taux de 5 % (et sans tenir compte de la capitalisation des intérêts) il arrive qu’au bout de 20 ans le préteur a déjà récupéré, par les intérêts annuels, toute la somme prêtée ; au bout de 40 ans, il l’a touché deux fois et au bout d’un siècle, cinq fois : et il conserve encore néanmoins son droit au remboursement intégral du fond !

Et on répondait que le paiement des intérêts ne représente nullement le paiement par à-comptes de la somme prêtée, pas plus que le fermage ne représente le prix d’achat de la terre on mêle là deux choses qui n’ont aucun rapport. L’intérêt, comme le fermage, représente le paiement de l’usage d’une richesse perpétuelle ou du moins qui a pour caractère de se perpétuer par voie de renouvellement et, comme le phénix, de renaître éternellement de ses cendres ; or, si l’usage qu’on peut faire d’une chose est perpétuel, pourquoi le prix de cet usage ne serait-il pas aussi perpétuel ?[1]

4° On disait que l’emprunteur s’engage à rendre plus qu’il n’a reçu.

Et on répond non, car si je vous donnais à dîner aujourd’hui en échange d’un dîner pareil que vous me donnerez dans 100 ans, je vous donnerais beaucoup plus que je ne recevrais et c’est moi qui jouerais le rôle de dupe. Pourquoi ? Parce qu’un dîner à échéance d’un siècle ne vaut pas un dîner présent. Par la même raison, si je vous donnais 100 fr. aujourd’hui en échange de 100 fr. que vous me donnerez dans un siècle, l’échange ne serait pas équitable et même à un an de date, il ne le serait pas non plus, il n’y a qu’une différence de degré : jamais pour l’homme le futur ne vaut le présent.

  1. Mais, disait-on, si l’emprunteur a mangé la richesse prêtée — et il est possible qu’il ne l’ait empruntée précisément que pour manger ! — alors elle ne se renouvellera pas ? Sans doute cela revient à dire que l’emprunt pour la consommation conduit à la ruine. Nous l’avons déjà dit (p. 327).