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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/596

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mation différée pendant tout ce temps qui se réalise enfin au profit de l’heureux inventeur.

Au reste, depuis que le crédit a été inventé, l’épargne a trouvé un instrument plus merveilleux encore que la monnaie. Voici un individu qui dispose d’une richesse de 1.000 fr. sous une forme quelconque qu’il pourrait consommer : il préfère ajourner sa consommation. Il déclare donc ne pas vouloir user présentement de son droit de consommation et se fait inscrire en quelque sorte sur le Grand-Livre de la Société pour une valeur de 1.000 fr… Et après un laps de temps quelconque, lui ou ses arrière-neveux, auront le droit de retirer de la masse des richesses alors existantes, non plus celles qu’il y avait laissées et qui ont été depuis longtemps consommées par d’autres ; mais leur équivalent.

3° Il faut encore que le travail soit assez productif pour laisser un excédent sur les nécessités de la vie, car s’il est imprudent de sacrifier les besoins à venir aux besoins présents, il serait insensé, à l’inverse, de sacrifier le présent l’avenir. Se réduire à mourir de faim présentement, de crainte de mourir de faim l’année prochaine ou dans dix ans, serait une conduite digne d’Harpagon et c’est précisément un des caractères qui ont le plus contribué à rendre l’avarice ridicule et méprisable. Nous allons voir qu’il serait contraire à l’intérêt social aussi bien qu’à l’intérêt individuel d’imposer de trop grands sacrifices à la consommation présente au profit de la consommation différée (Voy. p. 595).

Or pour l’homme qui n’a que le nécessaire il n’y a pas d’excédent ; l’épargne pour lui constitue donc une opération très douloureuse et même dangereuse elle entraîne l’amputation d’un besoin essentiel.

Pour l’homme au contraire qui dispose d’une quantité de richesses surabondante, l’épargne n’est plus un sacrifice méritoire[1] : elle peut même devenir une nécessité, car au bout du compte les facultés de consommation de tout homme sont

  1. Les économistes s’appliquent à mettre en lumière le sacrifice imposé par l’épargne, l’abstinence (comme l’appelait Senior qui y voyait la cause créatrice du capital), et à exagérer ses vertus et ses mérites. Les socia-