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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/601

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où les entreprises nouvelles pourront venir puiser au fur et à mesure de leurs besoins. Cette utilité est donc la même pour la société que pour les individus : pourvoir aux besoins futurs. Elle est donc très grande et telle qu’aucune société progressive ne saurait s’en passer. Si la France a pu tenir honorablement son rang de puissance industrielle, à côté de pays supérieurs en population, en activité, en outillage, c’est à sa puissance d’épargne qu’elle le doit surtout.

Puisque l’épargne est utile au pays, elle est donc un devoir pour ceux qui peuvent la faire, c’est-à-dire pour les riches, les rentiers. C’est à eux qu’il incombe d’épargner parce que ce sont eux seulement qui peuvent le faire sans laisser en souffrance aucun besoin légitime. Ils sont ou du moins ils devraient être — dans l’ancienne et forte acception de ce mot — « les économes » de la Société.

Telle n’est pas cependant l’opinion populaire qui voit au contraire de très mauvais œil les riches qui épargnent, ni même celle d’esprits supérieurs comme Montesquieu par exemple qui a écrit « Si les riches ne dépensent pas beaucoup, les pauvres meurent de faim ». Mais nous avons vu déjà les illusions que l’on se fait sur le rôle bienfaisant de la dépense (p. 568).

En réalité, le riche qui épargne la part de revenu qui excède ses besoins légitimes et qui la consacre par le placement à un emploi productif, fait du bien à tout le monde, car ainsi que nous le verrons à propos du placement il ne fait que transférer à des travailleurs sa faculté de consommation (Voy. ci-après, p. 599).

Quant au riche qui par avarice refuse satisfaction même à ses besoins nécessaires et qui ne donne même pas à son argent un emploi productif, qui le thésaurise dans le sens le plus étroit de ce mot — hypothèse, il faut le dire, qui n’est plus que rarement réalisée[1] — même celui-là, s’il porte

  1. Harpagon, il nous le dit lui-même, plaçait son argent, et sa fameuse cassette n’était enfouie dans son jardin qu’en attendant une bonne occasion pour prêter à gros intérêt l’argent qu’elle contenait.