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Page:Gide - Souvenirs de la Cour d’assises.djvu/122

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est « sympathique » ) pour y conformer la leur, soit pour en prendre tout à coup le contre-pied — c’est ce qui m’est nettement apparu dans plus d’un cas, et ce que, dans mes souvenirs, j’ai exposé sans commentaires.

Il m’a paru que les plaidoiries faisaient rarement, jamais peut-être (du moins dans les affaires que j’ai eues à juger) revenir les jurés sur leur impression première — de sorte qu’il serait à peine exagéré de dire qu’un juge habile peut faire du Jury ce qu’il veut.

L’interrogatoire par le juge… peut-être une autre enquête de l’Opinion soulèvera-t-elle plus tard cette question délicate. N’ayant pas assisté à des séances de Cour criminelle en Angleterre, je ne puis pressentir si peut-être l’interrogatoire par les avocats et le ministère public, ne présente pas des inconvénients plus graves encore… en tout cas ce n’est pas à cela que vous m’invitez à répondre aujourd’hui.

Mon opinion sur la composition du jury ? — C’est que cette composition est extrêmement défectueuse. Je ne sais trop comment avait pu se recruter celui dont je me trouvais faire partie, mais à coup sûr, s’il était le résultat d’une sélection, c’était d’une sélection à rebours[1] — Je

  1. L’un des jurés de ma session savait à peine lire et écrire ; sur ses bulletins de vote le oui et le non étaient si malaisément reconnaissables que plus d’une fois on dut le prier de répondre à neuf oralement.