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Page:Gill - Vingt années de Paris, 1883.djvu/176

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d’âme et de chair souveraines : il conduit un prince, un cousin d’empereur, au plaisir.

Il conduit un prince du sang, oui, du sang ! Touchera-t-il, pour ce surcroît d’honneur, un surcroît de salaire ? Aucun.

C’est quatre-vingt-dix francs qu’il gagne par mois, quatre-vingt-dix, et tout à l’heure, en prenant place devant la fournaise, il a calculé que ce voyage de douze heures lui assure trois francs d’existence.

Trois francs ! pour tout son monde : pour lui, pour les petits, pour le père usé au travail, pour la femme qui, peut-être, l’oublie et le trompe, dans les longues nuits d’absence, au logis, à l’abri du froid, du vent qu’il coupe, de la neige qu’il avale, lui, debout au rang du devoir. — Il faut gagner trois francs pour ta famille, chauffeur !

Le chauffeur, grave, est monté à son poste, sur le monstrueux cheval de fer qui