Aller au contenu

Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
Rédemption.

assurer de la force de mon amour, dites-moi que réellement vous ne songez pas à me quitter.

— Hélas ! oui.

— Et pourquoi ?

— Parce que, répond-il en plongeant dans ses yeux humides ses prunelles brillant d’une fièvre passionnée, je vous aime trop. Parce que je veux échapper à la damnation de notre âme à tous deux.

— Que vais-je devenir vous parti ? s’écrie Romaine. Vous savez que je vous aime, ne soyez pas cruel, je ne suis qu’une pauvre fille. Ayez pitié de moi. Restez encore quelques jours au moins, que je me fasse à l’idée de notre séparation. Ce départ subit me tuerait.

Devant le désespoir de la jeune fille, devant sa faim d’amour, devant le gouffre ouvert à ses pieds, Réginald devint plus fort et écouta la voix de la raison. S’arrachant de l’étreinte de Romaine, il lui dit :

— Au revoir, chère pauvre amie, je ne vous dis pas adieu. Nous nous reverrons. Pour le moment, songez à votre malheureux grand-père, songez à la simplicité grande et admirable de votre candeur parfumée de jeune fille pure. Rappelez-vous que l’homme passe mais que la vertu demeure.

Romaine alors l’enveloppant dans la caresse aimantée de son œil noir, lui répondit :

— Mon Réginald adoré, je vous aime plus que grand-père, plus que ma vie.

Ces paroles, ce regard pénétrèrent dans son cœur comme un glaive à deux tranchants.

Alarmé de la surexcitation de son esprit, craignant même que ce départ précipité n’eût des conséquences désastreuses pour sa Romaine, il frissonna. Il la reprend dans ses bras avec effroi, croyant voir déjà la mort hideuse s’avancer jusqu’à elle pour la réclamer comme une proie. Il dit :