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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/115

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Rédemption.

dormir, dévorée par la fièvre, elle se retournait sur sa couche sans pouvoir trouver le repos. Devant ses yeux alanguis passaient des visions caressantes qui l’appelaient, l’attiraient, la tourmentaient par leur obsession fascinatrice. Alors, elle se levait toute blanche, la chevelure d’or rouge déroulée en chape somptueuse sur ses épaules à demi-nues. Appuyée à sa fenêtre grande ouverte, les yeux rivés sur la mer striée là-bas d’une large raie d’argent, elle rafraîchissait son cerveau brûlant aux émanations embaumées qui montaient de la terre fleurie, à l’acre senteur des buissons et à la brise saline qui s’élevait des vagues dont elle entendait l’écho mourant.


Elle se levait toute blanche…

Johnny Castilloux était parti depuis quelques minutes quand Romaine entendit frapper à la porte.

Dans sa hâte à ouvrir elle se lève en laissant glisser le tricot à ses pieds. Elle savait que c’était lui, elle voulait que ce fût lui.

— Ah ! Réginald, dit-elle, en lui tendant la main, si vous saviez comme je vous ai manqué !

Et après une pause :

— Non, ajouta-t-elle, vous ne saurez jamais combien ces deux jours m’ont semblé longs.

Réginald, qui, les yeux gonflés, avait dû beaucoup pleurer, baissa la tête et approcha respectueusement ses lèvres des cheveux de Romaine. Voulait-il montrer par là toute sa timidité à embrasser autrement cette jeune fille aussi innocente, aussi héroïquement aimante. Elle était bien toujours la sainte aux cheveux d’or rouge qu’il avait contemplée un jour noyée dans un flot de soleil, faisant entendre sur le petit orgue de l’église de Paspébiac cette musique divine qui lui avait tiré des larmes d’admiration et d’attendrissement.

— Pourquoi n’êtes-vous pas venu avant aujourd’hui ? demanda Romaine en le faisant asseoir à côté d’elle sur la