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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/123

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Rédemption.

sait vivre cependant, il s’était formé entre eux un lien de solidarité familiale.

Johnny Castilloux et Jean Maldemay, puis Réginald, étaient rentrés les derniers.

Le grand-père de Romaine remercia Jean Maldemay et les autres, leur dit qu’il était inutile de continuer les recherches au sein de cette nuit où l’on ne voyait pas à trois brasses devant soi.

La foule remonta silencieuse, comme au retour des funérailles d’un être aimé. Les femmes et les enfants pleuraient.

Le vieux pêcheur, cependant, accompagné de Réginald, qui ne voulut pas le quitter, reprit la mer, espérant dans la désespérance même.

Comment décrire ce qui se passa dans le cœur de ces deux hommes durant cette interminable nuit. Si la plume peut peindre les supplices qui hachent le corps d’un être humain, elle s’y refuse quand il s’agit de l’atrocité des tourments qui labourent le cœur de l’homme.

Et les doigt gelés sur les rames, le dos fourbu à force d’être dans la même position, ballottés par les vagues, ils allaient au hasard, la cherchant, elle.

Ils ne se parlaient pas, si ce n’était touchant une direction à suivre, une suggestion à faire. Chaque fois qu’ils rompaient le silence ils croyaient entendre un glas retentir dans leur cœur.

Le jour avait succédé à la nuit. Dans l’humidité du petit matin, le rose de l’horizon se dorait.

Le soleil venait de se lever.

— Rentrons, dit Johnny Castilloux, allons prendre des forces et on r’viendra bintôt.

Ils mirent pied à terre. Le vieux, que l’écrasement du chagrin avait voûté davantage durant cette affreuse nuit, remonta le banc avec son jeune compagnon.

Ce dernier, soudain, tressaillit. Il était à l’extrémité supérieure du pont. À une cinquantaine de verges du goulet,