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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/125

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Rédemption.

Soulevant entre ses bras tremblants la tête de la jeune fille, il posa ses lèvres sur les siennes comme s’il eût voulu lui inhaler la vie en la ressuscitant par l’amour.

— Romaine, sanglotait-il, Romaine ! ma bonne petite Romaine ! ma bien-aimée Romaine ! c’est ton Réginald qui te parles ! Entends-moi. Allons, réponds ! Tu veux donc que je meure à tes côtés. Non ! la mort ne nous séparera pas. Nous avons été unis dans la vie, nous le serons dans le trépas. Je t’en supplie, reviens à la vie, un instant seulement, et nous partirons ensemble pour l’éternité ! Dis mon ange très cher, mon amour, mon âme. veux-tu ?

Et il se reprenait à l’embrasser sur les lèvres, sur les yeux, sur le front, dans les cheveux, sur la plaie affreuse par où tout sou sang si chaud avait coulé !

Le vieillard était arrivé auprès du corps de sa petite-fille.

Avec un hurlement sauvage, il écarte brusquement le jeune homme, prend le cadavre dans ses bras, et lui appuyant délicatement la tête contre son épaule comme s’il craignait de lui faire mal, il part sans prononcer une parole, sans une larme, choppant contre les pierres, glissant sur le varech poisseux, refusant de se faire aider, jaloux d’avoir tout à lui le cher cadavre qu’il serre contre son âme.


Un vieillard courbé sous le poids de la dépouille d’une enfant…

Et par ce clair et ensoleillé matin de septembre, les habitants de Paspébiac virent un étrange et lugubre spectacle : un vieillard courbé sous le poids de la dépouille d’une enfant la chair de sa chair, et un jeune homme allant derrière ce corbillard vivant, tête nue et le visage bouleversé.