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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/142

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Rédemption.

— De grâce, monsieur Larivière, dépêchez-vous, je me sens mal. Et comme, se penchant sur l’épaule de la jeune fille, il lui bredouillait :

—Qu’as-tu, mon chou… ou… chéri… un gros… os… bobo ?

— Je vous en supplie, monsieur, ne me parlez plus, dit-elle avec horreur.

Il s’était endormi.

Claire, le fiacre arrivé devant la porte de son appartement, descendit promptement sans réveiller le silène qui dormait à l’intérieur de la voiture.

Elle donna l’adresse de son amant au cocher, et le fiacre repartit.

Claire, en pénétrant dans le boudoir froid et vaguement éclairé par quelques charbons presque éteints, tomba à genoux près de la bergère. Joignant les mains, elle s’écria :

— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! quelle humiliation ! Et lui que j’adore toujours !

Réginald, de son côté, avait éprouvé un sentiment de dégoût et de répulsion à l’aspect de cette fille. L’homme, d’abord, avait grondé en lui, et une parole de condamnation était montée à ses lèvres. En revenant à son appartement, il se demanda si cette égarée pour la rédemption de laquelle il venait de si loin pourrait jamais remonter le courant bourbeux qui l’emportait.

Bien que l’heure fut avancée, il passa dans son cabinet de travail, comme dans un lieu cher que l’on veut revoir après une longue absence.

Les « Chants du Crépuscule » étaient encore ouverts sur un divan, comme si la lecture en avait été abandonnée la veille au soir pour être reprise le lendemain. Il lut :

Oh ! n’ insultez jamais une femme qui tombe !
Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme succombe ?