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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/164

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Rédemption.

qui montent, à tous les mois, les marches de la Sainte Table et qui tuent d’un coup de lancette qui est leur langue.

Et cependant celles-là, on les estime, on les encense, on les pose en modèles, on les établit à la tête de congrégations religieuses et de sociétés de charité. Religion et charité, quelle profanation ! Leur religion à ces êtres est une religion de haine, et leur charité une charité qui empoisonne.

— Je vous plains, dit Réginald.

S’il avait encore pu hésiter devant la résolution prise la veille, ce que venait de rapporter Claire devait le décider tout à fait.

Plus que jamais, il était temps de museler ces méchantes bêtes. Il fallait donner à cette malheureuse un protecteur dont elle n’aurait pas à rougir devant l’opinion publique. Que l’appréciation du monde est odieuse parfois ! N’avait-il pas arraché Claire à sa misère ? N’était-elle pas à cette heure une jeune fille honnête et vertueuse ? Sa conduite à lui-même n’était-elle pas au-dessus de tout reproche ?

Et cependant, pour tous, il était lié à cette fille par des liens honteux, il forfaisait à l’ancienne pureté de ses mœurs. Bien plus, le verdict public, se méprenant sur sa conduite si méritoire, en rejetait tout le blâme sur Claire.

Mais alors aurait-il fallu qu’il la laissât entre les mains de ce saint homme du « Labarum ». Non, c’était impossible. Il avait la satisfaction du devoir accompli.

Seulement, Claire devait être méprisée jusqu’à la mort, et même après, puisqu’elle avait péché et que le monde l’avait su.

— Claire, dit-il, en rompant le silence qui durait depuis quelques minutes, j’ai une prière à vous faire et j’espère que vous m’écouterez favorablement. Voulez-vous être ma femme ?

Claire pâlit.

Elle, la femme de Réginald ! Dieu était donc assez misé-