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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/172

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Rédemption.


LE CORBILLARD.


Le corbillard faisait une lugubre tache noire sur la mince couche de neige tombée en ce matin brumeux d’avril. Le char funèbre roulait péniblement vers le cimetière de la Côte-des-Neiges.


Le corbillard faisait une lugubre tache noire sur la mince couche de neige.

Un jeune homme et un mendiant accompagnaient seuls les restes qui allaient être inhumés. Cette dépouille était celle de Claire Dumont. Ce jeune homme était Réginald Olivier et le mendiant, ce paria à qui Claire avait, un soir, tendu la main dans un mouvement spontané de sympathie.

C’était singulier de voir ce corbillard et ce cercueil des riches, suivis par ces deux hommes, si éloignés l’un de l’autre dans l’échelle sociale, mais si rapprochés en cette circonstance poignante, par une communauté de sentiments.

Seul, Réginald avait fait la veillée du corps, les deux nuits qu’il avait été exposé. Plusieurs personnes, attirées par une curiosité mauvaise, étaient entrées dans la chambre mortuaire, avaient fait un simulacre de prière, prétexte de fouiller les yeux éteints de cet être qu’elles avaient fait si amèrement pleurer.

Une ancre de roses et de lys, l’unique tribut floral qui honorât la mémoire de la défunte, était appuyée contre la couche funèbre.

Au requiem solennel que le jeune homme avait obtenu à prix d’argent, n’assistaient dans la vaste cathédrale de Saint-Jacques, que les quelques dévots entrés dans le temple par hasard.

Église déserte, catafalque à triple étage illuminé d’une profusion de cierges, orgue et chœur imposants, toutes ces