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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/94

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Rédemption.


APRÈS LA TENTATION.


Trempé jusqu’aux os, glissant dans la boue, clapotant dans les flaques d’eau, et ne voyant sa route qu’à la lueur des éclairs, tant l’obscurité était profonde, il se sauvait, pris d’une peur grande comme le danger auquel il venait d’échapper.

Arrivé en face de sa pension, il passa outre, marchant, courant, marchant, courant, sans s’arrêter. Son cerveau agonisait dans sa tête trop lourde pour son corps. La tempête du dehors n’était rien comparée à celle qui faisait rage sous ce crâne.

Pourrait-il jamais reparaître devant ses yeux ?

C’en était fait de son bonheur !

Plutôt la mort que de rester un jour de plus en ce pays d’où il se considérait déjà comme banni.

Ô homme présomptueux, il s’était cru fort ! son orgueil était bien puni.

À quoi lui avait servi d’être resté chaste jusqu’à ce jour, s’il allait tromper la confiance de cette pauvre enfant sans défense, que rien ne protégeait contre son amour.

Par quelle volonté surhumaine avait-il échappé à la faute suprême ?

Dieu ne l’avait donc pas encore maudit.

Il se voyait dévaler dans le précipice, entraînant dans sa chute le corps et l’âme si beaux, si blancs, si purs de Romaine.

La main de Dieu, s’il restait à Paspébiac, s’appesantirait sur lui, et il serait condamné.

L’orage avait cessé. Le vent chassait maintenant devant lui les nuages qui semblaient monter les uns par-dessus les