Aller au contenu

Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions ; ses idées se brouillaient, c’était un dédale de conjectures à n’en plus finir.

D’abord ce nom de Tancrède l’inquiéta.

— On veut se moquer de moi, de mon caractère romanesque, pensa-t-elle, et l’on a choisi ce nom de tragédie pour me faire sentir que c’est un ridicule que de faire des vers.

Ensuite elle s’accoutuma à ce nom, elle finit même par l’aimer ; elle se rappela l’air noble, les doux regards de celui qui le portait ; elle se dit qu’un être si parfaitement beau ne pouvait être méchant, et se jouer lâchement d’une jeune fille innocente et sans protecteur.

Elle se rassura ; et dès qu’elle fut rassurée… elle aima passionnément. Le doute effacé, il y eut une réaction de confiance ; elle s’y abandonna avec naïveté.

— Oui, disait-elle, je crois en lui, c’est quelqu’un qui m’aime, il ne veut point me tromper ; il viendra, je lui donne ma vie, jamais je n’aimerai que lui. Tant mieux s’il me voit, tant mieux s’il m’entend, il saura toute ma pensée, il saura que je n’espère qu’en lui, que je l’aime comme l’ange gardien qui veille sur mes jours ;