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Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/46

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tourment plus horrible que tous ces tourments, une malédiction qui poursuivait encore cet homme, une fatalité qui mettait le sceau à ses misères — c’était son nom. Ah ! ce nom était un hasard bien cruel dans sa position. Quelle amère ironie ! quel jeu du sort ! quelle épigramme de la nature ! quelle mauvaise plaisanterie du destin ! !… Ce petit homme se nommait M. Legrand.

M. Legrand arriva chez madame Poirceau à minuit moins un quart, en véritable ami de la maison ; il était encore plus maussade qu’à l’ordinaire. Il n’aimait pas les bals, les soirées d’apparat, parce que ces jours-là il lui fallait quitter ses bottes à hauts talons, et qu’en souliers vernis il perdait douze lignes…

— Toujours élégant ! lui dit une mère dont la fille dansait — et l’on sait que les pauvres mères, contraintes à rester assises sur une banquette toute la soirée, sont alertes à la conversation. Le premier causeur qui traverse la salle de danse est bien vite saisi au passage, elles l’attrapent au vol ; elles s’ennuient tant !…

— Comme vous venez tard ! dit celle-ci.