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Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/93

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Ainsi, il arrive souvent qu’un événement sans importance nous rend malheureux, parce qu’il est un avertissement pour un autre qui nous intéresse davantage et qui semble lui être étranger. Nos amis ne comprennent rien à notre tristesse ; ils nous disent :

En vérité, c’est un enfantillage que de s’affliger ainsi pour rien…

Rien ! c’est quelquefois tout notre avenir.

Tancrède était révolté contre son destin. C’est trop fort, se disait-il, c’est à en devenir fou, c’est à n’y pas tenir. Les maris me voient, les portiers m’admirent, les femmes ont peur de moi. Je suis un paria, un lépreux, un maudit, on m’a ensorcelé ; mais qu’y faire ? à qui me plaindre ? Puis-je aller dire que rien ne me réussit, que partout on me repousse, parce que je suis trop beau ? En vérité, je voudrais être affreux ; oui, en vérité, ou… invisible. Oh ! que ce serait charmant d’être invisible ! de pénétrer partout sans être vu, d’aimer et de ne jamais compromettre celle qu’on aime, d’être près d’elle sans qu’on le sache, sans qu’elle sache