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Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/147

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mot et d’en lire tout haut le sens, des mois que depuis la guerre on sent plus granuleux en soi, le mot madrépore, le mot primistère, puis, pour les revoir sans parti pris, le mot embusqué, le mot femme…

Soudain nous ne pensions plus, nous ne parlions plus. Un peu de fil rouge pendait de la bouche de Drigeard, pour longtemps cousue. Nous allions, poussant du même pas, sans grâce et sans force, la frontière devant nous — une frontière fade, rectiligne, sans ces belles queues d’aronde qui fixaient la France à ses voisines, — la tôle basse, mais sans regarder même à nos pieds, comme si la besogne du jour avait été uniquement pour l’armée de retrouver ce pfennig allemand, et c’était fait. Parfois nous nous heurtons à un régiment où un soldat inconnu porte la ressemblance d’un de nos tués, et il nous regarde, inquiet de nos regards, sentant confusément qu’il aurait à nous reconnaître… Nous sommes muets… Baloge seul continue de parler : On lui jette