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Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/126

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pour des glas et s’étonnent que tous les soirs, à la même minute, un homme meure. Aux volets battent des touffes de lavande sèche que les cahots égrènent sur la route, sur les crottins, où les moineaux pressés la prennent pour de l’avoine. Parfois le cheval aperçoit une barrière et s’arrête, croyant être au bout de la prairie ; parfois le soir passé, si le soleil s’est couché du côté où il est borgne, on doit, pour l’arrêter, mettre une main sur le bon œil. Puis, un chien-loup qui rabat les poules vers les voitures. Puis en arrière-garde, très loin, deux amoureux, nés dans des roulottes différentes, qui un jour, on ne sait pourquoi, se rattrapèrent.

Ceux-là, Jean les laissait défiler devant l’octroi, sans mot dire, mais, ce soir, c’était déjà la deuxième roulotte qui passait au trot d’un cheval dont les crins n’avaient pas servi à prendre des alouettes, pimpante, avec des contrevents et des brancards passés au ripolin, trottinant comme une maison de garde-barrière qui aurait égaré son chemin de fer. Tandis que les autres se hâtaient de traverser la grand’rue et se taisaient dans le bourg ainsi que sur un gué, celle-là arrivait sans surprise, sûre comme une auto-