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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/12

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Forestier, donnant à mon frère une fiancée qui portait ce nom — absorbé le soir du mariage par le mien, son rôle de Mané Tecel Phares terminé, — me faisant découvrir dans mon bureau une liasse de lettres et de manuscrits que Forestier y avait placés le jour de son départ, m’apprenant par une carte postale de Séville que les plus beaux jardins d’Andalousie s’appellent Jardins Forestier, de ce Français qui les traça, que je vis dans ce nouvel épisode un de ses détours. Toutes les lignes que je jetais dans l’inconnu se relevaient avec ce nom. Je devins plus attentif… J’amorçai… Je relus le seul livre que mon ami eût publié…

Bien m’en prit, car, quinze jours plus tard, je constatai que dans les colonnes de la Frankfurter le plagiat continuait. S. V. K., dans le même article, démarquait trois phrases. Par hasard — était-ce un hasard ? — il était question dans ces trois phrases de rivière, de lac, d’eau enfin. Penseur original en trois éléments, dès qu’il touchait au quatrième, S. V. K. empruntait à Forestier :

— Aujourd’hui j’écris de mon lit, d’où je voir le lac… Tous les stylos sont cassés dans la villa… je transporte plumée d’encre après plumée d’encre au-dessus de mon drap… Pas de tache encore…

— Le seul homme qui fût joyeux, mais vraiment joyeux, après l’amour et qui eût traversé la Manche à la nage.

— Je sais quelle sera ma mort… Une locomotive éclatera près de moi… Ou plutôt (oui, c’est bien cela) une vipère se prendra dans la roue de mon automobile, qui la projettera à ma tête. Elle me piquera… On m’étendra dans une prairie, le long d’une rivière, avec deux petits trous rouges à ma joue…