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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/211

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C’était pourtant l’été habituel : au moindre signe de sécheresse, l’angoisse envahissait le visage des maraîchers, au moindre signe de pluie, celui des cultivateurs. Dans les ajoncs, les peintres s’installaient dos au soleil et tournaient avec lui, comme s’ils s’exerçaient au daguerréotype. Aux abbés en victoria, Dieu parlait par la voix des petits torrents, par le silence des lacs, et par les coucous volants… On se retournait en riant quand une femme justement était parfumée au lilas… Moi, je sortais de la rivière le matin, pour vivre nu jusqu’à midi sur le rivage, pour mettre ma pèlerine l’après-midi, et le soir j’allais en frac aux petits chevaux de Saint-Germain, — histoire de tout homme sans amour en vacances, histoire du vêtement à travers les ages, histoire de l’humanité. Mais je ne te connaissais pas, mon amie. Mes sens étaient pourtant plus aiguisés que jamais. Je voyais la fumée que font les pivoines en éclatant. Je voyais le clapet inférieur du bec des oiseaux quand ils chantent… Mais je ne te connaissais pas… C’était pour un autre que les ormes sonnaient six fois sous le bec des pics verts, que onze fois ce que les Français appellent l’oie sauvage et les Allemands le cygne domestique claironnaient au-dessus de la diligence… Je ne te connaissais pas… Le soir venait… Les jasmins qui, par leurs efforts de tout le jour, étaient parvenus vers le crépuscule à se cramponner à ma fenêtre, devaient céder quand je l’ouvrais, et m’inondaient de parfum, de pollen, d’étamines… Mais je ne te connaissais pas… Jamais, dans l’île du Pacifique, pollen n’était tombé sur un rocher plus sec… J’étais enfin libéré du chat sans queue de l’hôtesse, qu’il me fallait caresser à mon tour de table ; du chevreuil à trois pattes du gérant, que je devais nourrir de cigarettes ; la nuit m’expédiait des oiseaux sauvages intacts, qui ne dépendaient point de l’hôtel, des insectes au complet et vernis,