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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/29

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faction de sa trouvaille et en don d’avènement, le district de Trutchtersheim, perdu en pleine Alsace où j’atterris ainsi comme d’un aéroplane… Rien d’ailleurs de caractéristique dans le Baedeker, sur Trutchtersheim, cette cession demeure son premier événement historique. Puis, deux jours après, — il paraît que j’avais ressemblé étrangement pendant toute une classe à Galéas Sforza, — je reçus Rappoltsweiler, et de ce nom en coque le Baedeker me fit la surprise de tirer, lisse et vernis, Ribeauvillé. Puis, par esprit de justice et avec sa manie des fichiers, il me rendit un à un les cantons de Lorraine où l’on parlait français. Puis, le jour où j’avais particulièrement ressemblé au Titien jeune, j’eus Bemweiler, patrie de Henner. Il ne se plaignait pas de me trouver aussi avare qu’il était généreux. Car je feignais d’être impassible, fût-ce le jour où une de ces grosses colombes du Jardin Royal qui se nourrissent de gâteaux d’enfants comme les ours, le cou ceint du collier que portent les champignons non vénéneux, vint se poser sur son épaule dans un de nos voyages à bicyclette, — ou le premier soir où nous entendîmes tous deux Tristan, en costume de tennis, debout aux Stehplätze, mais à partir du second acte assis sur l’arc de nos raquettes… Je ne cédai ni Baar, ni Saarbrück, ni Brumath… Je cédai seulement, un soir où, tremblant de fièvre, de jeunesse, de nostalgie pour ce pays qu’il n’avait jamais quitté, il ressemblait comme il n’a jamais été ressemblé à un petit Allemand, bon, naïf et fidèle, le dernier et minuscule district frontière au sud de Landau, — que Clemenceau aussi depuis céda. Si bien qu’à la fin du premier trimestre, tant j’avais ressemblé à César