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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/35

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quins gros comme des maquereaux, quand vous vous décidez à sortir de votre monade pour les guerres rhénanes ou les congrès de parasitologie, vous retrouvez les âmes des autres peuples composées d’éléments différents de la vôtre et d’une échelle différente… Vous vous êtes étonnés, le 1er août 1914, de découvrir sur la France un réseau d’espions, d’apprendre que le maire du canton d’Albert de Mun avait nommé secrétaire de la mobilisation un nommé Durand, qui était un nommé Sachsen ; et que dans l’appartement contigu au logis de Maurras habitait un autre Durand qui était le colonel Schœn… Cela prouve que la présence d’aucun académicien ni d’aucun grand esprit français n’exerce la moindre garde contre ce que l’univers recèle, — sous le nom même de Durand, voile bien léger ! — de forces secrètes ou non raisonnables, tandis qu’ils reconnaissent comme à un nimbe le passant qui pense par syllogisme ; et c’est ce que l’on ne peut dire des membres de notre académie berlinoise, du père Hoffmann, ou du comte Clemens, qui devina à trente lieues une jeune fille en léthargie ; ou, de nos jours, du brave Liliencron, notre François Coppée à peu près, qui tombait en transe chaque fois qu’un assassin de souverain, — on l’a vérifié pour Carnot à Lyon, Élisabeth à Genève, Humbert à Rome, — passait l’octroi de la ville où il devait tuer…

Ici Zelten changea de table, et chercha dans les ténèbres…

— Le réseau d’espions, reprit-il, n’est d’ailleurs que le plus lamentable et le plus visible de ces filets secrets. À cette terrasse, je peux te désigner sur-le-