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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/66

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nez ronfleurs ou à soufflets par l’Ekiol ; les membranes du nez sont raffermies par l’Hygiéna. On eût dit le catéchisme d’une nation vouée à la cocaïne… Les mots empruntés à l’étranger devenaient subitement exsangues. Bureau devenait Burö ; les chères minuscules étaient congelées en une seule majuscule, le thé devenait T, le café K. F. Tous les dieux et les déesses qui président au panmorphisme, grandeur nature, Cybèle, Pan et Orphée, étaient les seuls garants autorisés pour les blanchisseurs et les recettes à l’impuissance… Notre chasseur de chez Maxim’s, notre vagabond à talons de caoutchouc étaient remplacés par Thésée nu, par Apollonios de Thyane… De sorte que, bien avant d’avoir rejoint l’auto qui nous attendait à Schleissheim et nous débarqua à Nymphenburg, dans la rue de Siegfried Kleist, j’avais déjà l’impression d’une race qui surpassait de loin toutes les autres dans l’art de digérer les métaux, d’avoir le sang en alcool, de se nourrir d’équivalents solides de l’oxygène, et occupée, par le mélange d’agents chimiques, à créer (c’était toujours un moyen d’imiter Goethe) des homuncules vivants.

*


— Nous y sommes, dit Ida. Voici sa villa. Dans dix minutes, il va sortir pour fermer les volets… son bureau d’ailleurs donne sur la rue… Tenez, voyez cette ombre !

Il appartenait bien à l’Allemagne, au lieu de me le faire voir lui-même, de me montrer d’abord le spectre de S. V. K. Derrière le store baissé en drap de cinéma, je voyais seulement une ombre se rape-