Aller au contenu

Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de rafale que l’on n’obtient à Paris qu’en sortant sur son char la reine des reines… Bertha avait d’ailleurs constaté que toujours elle portait bonheur au mauvais temps…

Le roi Otto, frappé d’entendre un mandarin répondre aux compliments de M. Patenôtre par l’affirmation que les seules nations civilisées étaient la France et la Chine, elles seules possédant une cuisine et une politesse, avait chargé vers 1875 Bertha-Augusta de créer une école ménagère pour les filles aînées de sa noblesse, une école de Grâces pour les cadettes et d’amener ainsi la Franconie à la hauteur de ses deux devancières. On sait combien pleinement réussit l’expérience, couronnée par le soufflet bayadère et la révérence à écho, mais trop vite interrompue par la folie d’Otto. Il en restait à Bertha, qui avait dû apprendre par cœur les manuels de cuisine et de maintien, l’habitude de répondre sans hésiter et en phrases de catéchisme. À travers les cahots du fiacre, j’obtins ainsi sur Siegfried des renseignements que leur précision reculait autant dans le passé que s’il s’agissait du vrai Siegfried ou du vrai Kleist.

Je demandai quelles villes Siegfried connaissait de l’Allemagne.

— Sassnitz, où il a été guéri ; Munich, où il rédige sa critique des constitutions ; Oberammergau, où il passe l’été.

Je demandai ses projets.

— Le 25 avril, une fête de Gœthe, à Berlin. Le 14 juin, à Breslau, le procès Erzberger. Hier, par une pénible coïncidence, on a apporté chez lui, le matin, les poignards et revolvers des assassins qu’on