Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/18

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du mal qui devait finalement le terrasser ; si même il a pu être constamment attentif à surveiller ses intérêts et à régler la vente de ses livres[1], qu’en conclurons-nous, sinon que Maupassant a été partout lucide, partout conscient dans tout ce qu’a tracé sa plume — jusqu’au jour où, comprenant que son esprit allait sombrer dans la démence, cette vaillante plume, qu’il sentait lui échapper des mains, il la brisa — avant de tomber lui-même dans l’« irrémédiable » Nuit.

Nous pouvons donc, pour l’examen qui nous occupe, considérer son œuvre dans son ensemble, la prendre en bloc, sans en détacher une parcelle, et, négligeant de distinguer les moments — malaisément discernables d’ailleurs — où il a pu écrire sous l’influence de la cocaïne, de la morphine et de l’éther, drogues perfides, qu’il « utilisa » avec excès, nous sommes en droit, dis-je, d’étudier la nature de son pessimisme dans cette œuvre même, dont on peut dire, plus que de celle de tout autre écrivain, qu’elle remplit et exprima sa vie.



Voyons d’abord quelles furent ses idées, ou, si l’on veut, ses directions philosophiques.

De conceptions ou de doctrines métaphysique ou morale, à proprement parler, Maupassant n’en a pas. Il n’est pas métaphysicien. À la vision abstraite, symbolique des idées, il préféra toujours l’évocation des choses, la représentation concrète des formes vivantes.

Le grand problème religieux ne l’inquiète pas. Il n’est pas chrétien. Incroyant, d’une irréligion flagrante et délibérée, il disait que, tout jeune, les « rites » du christianisme le faisaient

  1. V. le récit de ses démêlés avec ses éditeurs et, en particulier, avec Victor Havard (Ed. Maynial, livre cité).