Aller au contenu

Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
Premier Péché

Sœur Louise


« J’ai revu sœur Louise, souriant toujours… mais d’un sourire suprême ! — Dans la petite chapelle, on l’avait couchée entre quatre planches brutes ; nous avons chanté autour de sa tombe, tout en pensant au Paradis où notre sœur Louise doit se trouver si heureuse ! »

En lisant ces lignes, je redevins toute petite, l’enfant chérie de sœur Louise, pour la pleurer encore avec mon cœur de jadis. Car c’était toute mon enfance résumée dans le culte voué à cette ombre diaphane et voilée qui marchait, en glissant, avec ce bruit particulier des longues robes effleurant le parquet, semblable à un frémissement d’aile.

Pauvre sœur, je la revois encore, ouvrant les bras et les refermant sur l’enfant qu’on lui amenait : petit oiseau frileux qui n’avait plus de nid, petit être en deuil, qui n’avait plus de mère ! Et dans une étreinte, elle presse sur son cœur la fillette toute menue qui sourit au regard des jolis yeux lui promettant l’amour. Dans les plis profonds de la grande robe, la petite créature se cache tout entière, heureuse de trouver enfin un asile, et d’écouter une voix lui dire les mots tendres… les mots maternels !

— Pourquoi, dis, que tu ne m’embrasses pas ? — fit la mignonne avançant sa petite bouche dans cette soif de baisers qui est au cœur de tous les enfants ; caresses qui font s’épanouir les pauvrets comme, sous la rosée du ciel, les fleurs.

— Les religieuses n’embrassent pas, répondit sœur Louise, en enlaçant de nouveau l’enfant, comme pour lui demander pardon de ce bonheur refusé.

— Pourquoi que les religieuses n’embrassent jamais ? reprit l’enfant, désolée d’apprendre que personne maintenant plus, ne baiserait ses petites joues.

— C’est la règle, — dit sœur Louise, en tendant sa croix aux lèvres de la fillette.

Celle-ci se penche sur le signe sacré, et dans sa petite intelligence naît la première idée du sacrifice… La règle ! — que de fois, maintenant, ce mot résonnera à ses oreilles.

La mignonne se révolte contre cette règle qui la prive de tendresse.