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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/136

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Premier Péché

avec quelle joie elle s’en allait, bercée par la musique de cette voix chaude et charmeuse qui lui modulait de si jolies choses ! Le regard d’Émile était un soleil, elle oubliait la vie, et ne s’apercevait pas qu’elle mourait…

Ô douce charité !

Tous les jours, le jeune homme réalisait la joie cherchée la veille, de lui procurer une douceur nouvelle ; il lui apportait les plus belles fleurs ; parfois il allait cueillir, lui-même, les roses aux buissons d’alentour ; il les jetait ensuite sur ses genoux, piquait les plus belles dans ses cheveux blonds, prenant plaisir à la rendre plus jolie, pour goûter de la joie au regard content qui se réfléchissait dans la petite glace tendue ; éloquent merci !

Elle aimait les vers, il lui en dédiait de bien jolis, qui rosaient d’émotion sa fine figure ; elle était heureuse de l’entendre chanter, et il lui disait des romances qui berçaient son ivresse. Il passait de longues heures près de ce fauteuil, devinant les moindres désirs de l’enfant, tout fier du sourire qu’elle lui donnait à chaque plaisir nouveau…

Puis la mère, oh ! la mère, comme elle comprenait bien la délicatesse infinie du grand cœur qui se dévouait, renonçant aux plaisirs anciens, aux bals, aux cartes, aux soupers, à tout, pour charmer d’illusions l’agonie de la petite souffrante !

Elle s’endormit un soir dans un grand fauteuil, après avoir embrassé des fleurs, vibré à des accents poétiques, et écouté de la chère musique. Dans toutes ces harmonies, son âme se dégagea et elle monta, monta au Ciel, pendant que la petite tête blonde se penchait complètement, les lèvres se posant, dans un mouvement habituel, sur la petite croix si souvent baisée.

Ce qu’il doit être beau le ciel pour ces âmes qui ne prennent, dans la vie, que l’illusion des joies du paradis…


***


À un ami de France


Vous qui me racontiez un jour cette douce idylle, je vous dédie ces lignes où ma plume a pris à votre cœur pour les écrire ici — oh ! trop peu — de la suave douceur que vous avez mise dans la berceuse chantée à la petite morte d’antan.

Cette berceuse, elle la finit là-bas, dans cette invocation tendre qui met dans les âmes toute une moisson heureuse :


« Notre-Dame d’amour, priez pour nous ! »